Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 4) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Naissance et avènement d'Amateru

Kunitokotachi, la divinité qui autrefois défricha la terre, eut huit enfants. Collectivement, ils furent appelés 'Kunisatsuchi' et, comme prénom, ils se virent attribuer les syllabes initiales : To, Ho, Ka, Mi, Ye, Hi, Ta et Me. L'un d'eux, To-no-Kunisatsuchi descendit du royaume des cieux au Pays de Hotsuma, apportant avec lui les semences des arbres et des plantes comestibles. Le Pays de Hotsuma correspond aux régions actuelles du Tokaï et du Kanto, dont le centre est le Mont Harami (actuellement le Mont Fuji). La région s'appelait alors Tokudaru, une référence à la divinité To, descendue des cieux à cet endroit.

À cette époque, les contrées éloignées de l'est s'appelaient Hitakami, une allusion au fait que le soleil se lève au-dessus de l'océan. To-no-Kunisatsuchi conclut une alliance avec les Takamimusubi, dirigeants de la région, pour ramener la paix sur ces territoires de l'est. Il planta les graines de l'arbre éternel 'tachibana' (oranger) sur le Mont Harami et il glorifia la montagne en lui donnant le nom "Kaguyama" (Montagne Odorante).

Alors que le temps passait (une évolution mesurée par les replantations successives de l'arbre sacré 'masakaki' qui, dit-on, s'atrophie tous les 60 mille ans), le Pays de Hitakami fut administré par le cinquième Takamimusubi dont le nom familier était Tamakine.

Tamakine accueillit les 49 divinités qui résidaient au Palais de Sakokushiro dans le Takamagahara (le Royaume céleste) et il créa alors un Takamagahara terrestre dans le Pays de Hitakami.

Les 49 divinités étaient les suivantes : Amemiwoya, la Divinité du Début et de la Fin (le "Grand Parent des Cieux" résidant au centre), suivie des huit divinités Yamoto de la Première Lumière (To-Ho-Ka-Mi-Ye-Hi-Ta-Me), puis les huit divinités Anami (A-I-Hu-He-Mo-Wo-Su-Si) et 32 autres. Après que Tamakine eut accueilli et révéré ces 49 divinités, le peuple vécut dans la prospérité et l'abondance et la paix prévalut longtemps sur le pays. En reconnaissance, la population honora Tamakine en lui décernant le nom de Toyoke, le "Pourvoyeur de l'Abondance".

Appelé aussi le "Seigneur de l'Est", Toyoke hérita d'Amenaru-Michi ou la Voie des Cieux, définie par Kunitokotachi. Il instaura aussi la fête d'Ohoname, destinée à vénérer les divinités.

L'arbre 'masakaki', replanté tous les soixante mille ans, en était à sa 21ème manifestation et l'on était en l'an 1.207.520. Sur terre, l'on comptait quelque 1500 descendants des divinités célestes. Mais à vrai dire, pas un seul d'entre eux ne comprenait vraiment les souffrances et les épreuves des gens ordinaires et aucun n'était capable d'utiliser la Voie Amenaru-Michi pour alléger leurs lamentations.

Contrarié chaque jour par le fait que la Voie pourrait disparaître complètement si la situation ne changeait pas, Toyoke prit la décision de monter jusqu'au sommet du Mont Harami, le plus haut du pays. Là-haut, il jeta les yeux sur les alentours et vit que les habitants des huit pays de Yashima avaient continué de se multiplier, qu'ils grouillaient et vagabondaient en poussant des revendications bruyantes. Pas étonnant qu'ils ne connaissaient même pas la Voie de l'Homme, pensa-t-il. Toyoke retourna alors à son palais de Hitakami en déplorant cette situation. Ne devinant que trop la contrariété éprouvée par son père, Isako (devenue plus tard Isanami) suggéra une solution : un héritier céleste. Aussitôt, Toyoke se livra à la divination en se servant du Futomani et, en conséquence, il se rendit à Nakakuni (actuellement la région de Nara). C'est là qu'il se fit construire un Sanctuaire de la Succession sur le Mont Itori à Tsukikatsuragi, où il continua d'implorer la naissance d'un successeur.

Aux huit extrémités du Sanctuaire de la Succession, Toyoke suspendit des bannières aux huit couleurs, il offrit des prières à Amemiwoya, la grande divinité de l'Univers, et il se purifia plusieurs fois. Finalement, après avoir répété huit mille fois ses vœux, la majesté terrifiante des dieux se manifesta et il reconnut l'aspect de l'esprit divin. Toyoke sut alors que, grâce à la protection assurée par les esprits du soleil et de la lune, émanant des yeux d'Amemiwoya, et à l'aide fournie par Amoto et les trente deux autres divinités, un successeur lui serait certainement accordé.

Vers cette époque, Isanagi et Isanami se rendirent au sommet du Mont Harami pour y saluer chaque jour avec admiration le soleil, se levant à l'est. Un jour, ils se confièrent l'un à l'autre sans détours et exprimèrent leur appréhension commune. "Nous avons sillonné ce pays et travaillé à le remettre en état, se dirent-ils. Nous avons apporté la prospérité à notre peuple et nous avons rétabli la paix sous notre administration. Pourtant, si nous avons eu le bonheur d'avoir une fille, nous n'avons pas encore d'héritier masculin pour perpétuer notre gestion sur ce pays. Cette situation n'est guère souhaitable pour l'avenir."

Tous deux se rendirent au Lac Konoshiro au sommet du Mont Harami. Ils lavèrent leur œil gauche dans l'eau du lac et adressèrent leurs prières à l'esprit du soleil. Ensuite, ayant lavé l'œil droit, ils implorèrent l'esprit de la lune. Isanagi sortit alors une paire de miroirs très clairs qui avaient été fabriqués et offerts par Shikoridome. Les comparant au soleil et à la lune, Isanagi les leva et supplia les divinités d'apparaître. Ils continuèrent d'implorer les bienfaits des cieux tout en effectuant une procession sur les huit pics du Mont Harami. Puis, alors que mille jours exactement s'étaient écoulés, ils sentirent passer une présence mystique dans leur corps. Au même moment, le buisson hagi aux fleurs blanches se teinta légèrement de rose.

Un jour, Isanagi s'enquit de l'état physique de sa compagne, Isanami, qui répondit : "Trois jours se sont écoulés depuis la fin de mes menstrues. Mon corps est à nouveau pur et j'attends la divinité du soleil." Isanagi sourit et tous deux se mirent à adorer le soleil du matin. Le cercle du soleil descendit tout à coup et tomba devant eux. Instinctivement, ils embrassèrent l'esprit du soleil et pénétrèrent dans le royaume de l'extase. Lorsqu'ils sortirent finalement de leurs transes, leur cœur était adouci et ils retournèrent avec satisfaction à leur palais.

Ohoyamazumi, qui attendait leur retour avec une certaine appréhension, leur offrit immédiatement une coupe de sasamiki, une sorte de vin de riz. Isanagi demanda alors à sa conjointe :"Connais-tu la signification de tokomiki ?" Elle lui répondit :"Oui, Kotosakanowo m'a expliqué comment il est fabriqué. La coutume veut que la femme boive d'abord le tokomiki et qu'elle en donne ensuite à l'homme. Cela signifie que, lorsqu'un homme et une femme ont des relations conjugales, la femme observe d'abord en silence le maintien et l'aspect de son conjoint avant de se glisser dans le lit conjugal et d'avoir des relations. Et s'ils s'imbibent mutuellement leurs fluides, leurs inhibitions s'atténuent et la semence d'un enfant s'incruste dans la crèche au plus profond des entrailles. Telle est la voie de totsugi (mariage) et le tokomiki qui prépare l'arrivée de l'enfant est aussi l'enseignement de la naissance des pays."

Les deux se laissèrent alors aller à leurs relations et ils conçurent conformément à cet enseignement. Mais dix mois passèrent et rien ne se produisit. Des années plus tard, leur cœur restait profondément troublé. Mais finalement, au 96ème mois, Isanami commença à avoir des contractions et elle mit au monde la divinité Amateru.

L'enfant naquit au lever du soleil, le premier jour de l'an kishiye, dans la 125ème branche du 21ème suzu. À la naissance, il avait la forme d'un œuf et, à la sortie du ventre de sa mère, il était encore recouvert d'une membrane ovoïde ce qui, dans l'entourage, fut la cause à la fois d'émerveillement et de consternation.

Yamazumi, un noble d'âge avancé, fut si ému par la naissance du prince qu'il rédigea ce poème en guise de félicitation :
"Mube naruya, yuki no yoroshi mo,
"miyotsugi mo, yoyo no saiwai hirakeri"


("En vérité, une bonne vie passée et un héritier royal
sont sources de joies pour les générations qui viennent.")
Yamazumi déclama trois fois ce poème d'une voix sonore et les célébrations se poursuivirent bien tard dans la nuit, chacun étant animé de la joie à l'idée de l'avenir brillant qui attendait désormais le pays.

Certaines des personnes présentes exprimèrent leurs inquiétudes au sujet de l'aspect ovoïde du prince. Mais Yamazumi leur répondit : "Le Seigneur Toyoke nous enseigne. Nous avons prié ardemment pour que notre nouveau souverain soit protégé face aux méfaits du vilain Isora. C'est pourquoi, à sa naissance, notre prince était protégé par une membrane. C'est là un signe de bon augure." Puis, en disant : "Ouvrez-vous, portes des cieux !", il coupa la membrane au moyen d'un couteau fait de bois d'if et il en ressortit l'enfant. Lorsque le garçonnet apparut, le soleil matinal éclairait le ciel et la terre. Shirayama, la sœur cadette d'Isanami donna au bébé son premier bain. Isanagi, Isanami, les ministres et tout le peuple débordaient d'une joie sans comparaison possible et leurs cris "Yorotoshi, yorotoshi !" (Puisse-t-il régner longtemps !) retentirent tel une onde à travers tout le pays.

Pour emmailloter l'enfant, un certain Natsume offrit alors des vêtements, tissés par Akahiko en soie filée à partir de cocons. Du fait de la fatigue de sa grossesse prolongée, Isanami n'avait pas assez de lait pour nourrir son enfant. Aussi fit-on appel à une nourrice et l'enfant fut ainsi allaité par Michitsuhime, la fille de la divinité Hoiyi. Mais un nouveau problème apparut. En effet, l'enfant n'arrivait pas à ouvrir les yeux et, pour lui, le jour était semblable à la nuit. Les soucis des parents ne connaissaient pas de fin. Mais finalement, le quinzième jour du septième mois, ses yeux finirent par s'ouvrir, des yeux si doux et salués par une clameur de joie populaire que toutes les fatigues d'Isanami s'évanouirent en un instant.

Le signe céleste de la grêle, tombant des huit pics du Mont Harami entouré de traînées de nuages blancs et faisant écho jusqu'au bout des pays éclairés par le soleil, fut reproduit sur les oriflammes de toile et appelé "yatoyohata". Elles furent disposées aux huit extrémités du grand trône et c'est là que l'enfant accéda à la souveraineté.

Le couteau en bois d'if du Mont Kurai, utilisé pour trancher la membrane qui enveloppait Amateru à la naissance, fut gardé comme un signe de son origine divine à compter de ce jour.

Lorsque Shirayama, la tante du bébé, offrit les vêtements qu'elle avait tissés dans sa province de Koyene, les cris de l'enfant retentirent comme "Ana ureshi" ("Quelle joie !') et on les considéra comme ses premières paroles. A ce moment, les nobles assemblés prièrent la princesse Shirayama de demander son nom à l'enfant. Ce qu'elle fit. Aussitôt vint la réponse : "Uhirugi", dit l'enfant.

En écoutant attentivement la réponse de l'enfant, il semblait qu'il prononçait son propre nom. La signification était U pour 'Grand', hi pour la sphère du soleil, ru pour l'esprit du soleil, et gi, une abréviation de kine. Le terme Kine faisait allusion au souverain masculin du couple homme-femme. Le nom "Uhirugi" de l'enfant signifiait donc le Souverain à l'Esprit du Grand Soleil.

Isanagi et Isanami conférèrent alors à la Princesse Shirayama l'épithète "Kikukiri-hime" afin de louanger sa capacité à "interpréter" (kiki kiru) le babil de l'enfant. Mais, quel babillage noble et intelligent cet enfant n'avait-il pas prononcé dès sa naissance !

Le jour du solstice d'hiver, le Grand Rite de l'Accession au Trône (Ohoname) se déroula avec faste et dignité pour le nouveau souverain, né avec le soleil levant il y a si longtemps.

Les neuf étoiles, connues comme les divinités célestes Ametokotachi, furent invoquées au sanctuaire Ayuki. Au centre se trouvait Ameminakanushi (le "Seigneur du Centre du Ciel"), la divinité créatrice primordiale, appelée aussi Amemiwioya. Les huit autres étaient les divinités Amato, à savoir To-Ho-Ka-Mi-Ye-Hi-Ta-Me. Par ailleurs, les onze divinités terrestres, appelées collectivement Umashiashigaihikochi étaient vénérées au sanctuaire Wasuki. Il s'agissait des cinq divinités protectrices des points cardinaux (est-ouest-centre-sud-nord) et des six divinités Amiyashinau. Ayant signalé l'avènement d'Amateru à ces neuf divinités célestes et aux onze divinités terrestres, il monta officiellement sur le trône, revêtu d'un plein mandat du ciel, de la terre et des hommes.

Isanagi et Isanami déployèrent tous les efforts possibles pour élever le Prince Céleste comme dirigeant approprié pour son peuple. En ce qui sembla quelques instants à peine, il grandit dans le palais de Harami et devint un noble jeune homme de seize ans. Pendant ces années, il avait fait l'objet d'une affection maximale et avait reçu les plus riches bienfaits.

Tamakine (Toyoke), le grand-père de l'enfant, s'était purifié huit mille fois au Mont Katsuragi alors qu'il répétait ses vœux dans son Sanctuaire de la Succession. Lorsque ses prières furent exaucées, il se fit construire un véhicule couvert à deux roues en bois de katsura et c'est ainsi qu'il se rendit au Palais Harami pour rencontrer le Prince.

Isanagi et Isanami se précipitèrent à sa rencontre à l'annonce de sa visite et ils furent au comble de la joie et de la stupéfaction en réalisant que Toyoke en personne s'était mis en voyage pour rencontrer le garçon. La conversation entre les parents et Toyoke tourna totalement sur le thème de l'éducation de l'enfant. Après avoir atteint leur conclusion, Isanami se plaça avec son fils dans un palanquin yafusa, orné de guirlandes. Leur serviteur Ochitsumo se joignit à Toyoke dans un palanquin ketakoshi. Vinrent ensuite les autres serviteurs et les servantes qui, tous, marchèrent d'un pas lent vers Hitakami, le Pays du Soleil Levant. Ils arrivèrent tous en sécurité au Palais de Yamate (Sendaï), le siège de l'administration Ketatsubo.

À leur arrivée, la personne du Prince dégagea un éclat éblouissant qui brillait dans toutes les directions. Des fleurs dorées s'épanouirent partout, le sable et les poissons de la mer, les plantes et les arbres de la montagne, tout brillait d'un jaune doré.

Touché par cette vue, Toyoke conféra au Prince le nom personnel (imina) de "Wakahito", le Prince de la Lumière. Isanagi et Isanami furent décontenancés à la vue de l'autorité divine manifestée par leur fils. "Nous ne sommes pas dignes de continuer à élever le Prince dans notre palace" dirent-ils. Aussi confièrent-ils leur fils à Toyoke dans sa Cour de Takamagahara et ils retournèrent à leur propre palais d'Okitsu.

Ayant accédé au Palais de Yamate dans le Pays de Hitakami, le Prince s'adonna avec ferveur à l'étude d'Amenaru-Michi (la "Voie des Cieux", les modes de gouvernement souverain) dans le nouveau Palais d'Amatsu ("Palais des Cieux"). A ses côtés, Fumimaro joua le rôle de compagnon d'étude. Ce Fumimaro était l'héritier du 6ème Takamimusubi Yasokine. Adoptant le nom de Takakine, il allait consacrer le reste de son existence à aider Amateru dans son administration du pays.

Tamakine, le 5ème Takamimusubi, se rendit chaque jour au Palais d'Amatsu. Il y remplissait un double rôle : grand-père des garçons et précepteur exigeant. Il leur enseigna l'Amenaru-Michi, le concept éternel de Kunitokotachi et les mystères intimes de la Voie de l'Homme.

Wakahito s'adonna avec sérieux à la recherche de la vérité et il étudia les mystères de la Voie des Cieux. Un jour, il posa la question suivante à son éducateur : "Pourquoi le nom personnel ("imina") de ma sœur comporte-t-il trois syllabes alors que le mien en compte quatre ?" Profondément impressionné par la sagacité de l'enfant, Tamakiné répondit : "Le nom personnel d'un garçon comprend deux syllabes données par ses parents et deux autres indiquant sa lignée, soit quatre. À tous égards, les souverains célestes sont parfaits de un (hi) à dix (to) et c'est pourquoi ils sont appelés "hito". Mais les filles ne bénéficient pas de ce second élément. Elles reçoivent deux syllabes de leurs parents, plus une syllabe indiquant qu'un jour elles auront des enfants. De là vient la syllabe "ko" ou parfois "o". Voilà pourquoi le nombre des syllabes est différent dans le nom "imina" des garçons et des filles. Une personne peut se voir décerner plusieurs noms "tatahena" ou titres officiels pendant son existence, en fonction de ses mérites et de ses réalisations. Mais le nom "imina" personnel reste toujours le même. Il doit être respecté comme le seul signe véritable de votre caractère et de votre noble lignée."

(Extrait du 4ème aya de Hotsuma-Tsutae)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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