Hotsuma-Tsutae Le Livre de l'Homme (Chapitre 39) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Expédition orientale de Yamatotake
et la princesse Oto-Tachibana


On en était au 6ème mois de la 40ème année du règne du souverain Woshirowake. Un jour, Ohotomo Takehi, gouverneur du Pays de Hotsuma, arriva tout à coup du Palais Sakaori (actuellement le Sanctuaire Asama près du Mont Fuji) à la capitale de Makimuki, porteur d’une requête urgente. « Les Yemishi et d’autres brigands vivant dans la région frontalière se sont rebellés, annonça-t-il. Ils désobéissent aux lois du pays, perturbent la paix et violent nos frontières. Je vous prie d’envoyer une puissante armée afin de pacifier la région. »

Le souverain convoqua ses ministres et leur dit : « Les Yemishi de Hotsuma violent à nouveau la loi, ils pillent le pays et causent de profondes souffrances parmi la population. Je vais désigner un général qui conduira une expédition pour les châtier. Qui dois-je envoyer ?

Mais personne ne répondit à sa question et un silence pesant s’ensuivit. C’est alors que le Prince Yamatotake s’avança pour exprimer sa pensée au souverain. « La fois dernière, je suis allé vaincre les Kumaso à l’ouest. Il me semble que mon frère aîné, Mochihito, devrait être celui qui ira pacifier les contrées de l’est. »

Entendant ceci, Mochihito fut pris de peur et il s’enfuit se cacher dans les champs. Le souverain dépêcha ses serviteurs à la recherche du Prince, le priant de revenir. A son retour, le souverain réprimanda son fils en disant : « En voyant ton dos, alors que tu fuyais terrifié, mes attentes à ton égard ont été totalement trahies. Bien que tu sois mon fils, tu as perdu mon affection. Tu me déçois. Désormais, tu seras le Gouverneur de Mino ».

Yamatotake s’exprima ensuite avec bravoure : « Il n’y a pas si longtemps, nous avons pacifié l’ouest. Maintenant, nous devons aller nous battre à l’est. Sans aucun doute, les Yemishi seront un jour vaincus et nous aurons alors remporté la victoire ! »

A ce moment, le souverain leva sa hallebarde dans la main et dit : « J’entends dire que les Yemishi ornent leur corps de tatouages et qu’ils se comportent sauvagement. Ils n’ont pas de chef de village pour maintenir la paix, mais leurs dirigeants volent et se pillent les uns les autres. Ils abattent les arbres de façon arbitraire et ils y mettent le feu pour détruire les montagnes. Ils n’ont aucun moyen de subsistance, préférant roder et mendier ça et là, ou encore tendre des embuscades aux voyageurs aux bifurcations des chemins. Certains Yemishi ont des relations charnelles sans distinction d’homme ou de femme, de jeune ou de vieux. Ils vivent dans des fosses ou des cavernes, mangent la chair de bêtes sauvages et portent des fourrures d’animaux. Ils ne témoignent aucune gratitude à l’égard de la providence, mais au contraire s’offusquent facilement. Adroits à l’arc, ils aiment danser avec des épées. Ils se rassemblent en grand nombre pour violer nos frontières et razzier nos récoltes. Habiles lorsqu’il y a lieu de s’échapper à travers la lande et la montagne pour s’y cacher, ils continuent à faire fi de la Voie du Ciel. »

Le souverain tourna alors à nouveau les yeux vers Yamatotake. « En te voyant devant moi, je sais combien tu es probe et valeureux, je sais que tu possèdes la force d’une centaine d’hommes. Où que tu ailles, aucun ennemi ne peut se mesurer à toi et, quand tu combats, la victoire t’appartient. Je comprends ceci clairement. Car si tu es physiquement mon fils, en fait, tu es un être divin, envoyé par les cieux, pour sauver ce monde si menacé du fait de mon impuissance. Tu es l’héritier divin qui va réussir dans la dignité souveraine et garantir la continuité éternelle de notre lignée. Planifie bien ta stratégie, dévoile ton autorité divine, et sois magnanime. Grâce aux enseignements de la vérité pure, assujettis ces brigands et ramène-les dans la voie de l’administration divine. » Ce disant, il remit la hallebarde à son fils.

Acceptant la hallebarde avec une dignité solennelle, Yamatotake exprima en ces termes sa ferme détermination et ses remerciements envers son père : « Dans le passé, j’ai vaincu sans risque les Kumaso, avec la bénédiction des cieux. A présent, soutenu par l’esprit de mon père, le souverain, et par l’autorité des divinités, je me rendrai à la frontière pour affronter les ennemis. S’ils ne se plient pas à ma volonté, je vais les massacrer. » Ce disant, il inclina profondément la tête et s’éloigna du souverain.

Yamatotake nomma Takehiko de Kibi et Ohotomo Takehi pour l’aider dans sa tâche et il choisit Nanatsukahagi comme intendant. Le 2ème jour du 10ème mois, il quitta la capitale à la tête de l’armée du souverain.

En traversant le Yamato, il dévia de sa route pour aller prier au Sanctuaire d’Ise le septième jour. Puis il prit congé de la Prêtresse Yamatohime au Sanctuaire d’Isawa en disant : «Sur ordre de mon père, le souverain, je dois maintenant continuer mon expédition et aller vaincre l’ennemi. »

Yamatohime prit alors dans sa main gauche un étui en brocart, provenant du trésor du sanctuaire, et une épée dans sa droite. Se tournant face au Prince, elle prononça ces paroles mystiques sur un ton serein : « Dans cette bourse, tu trouveras une amulette contre le feu, la terre et l’eau. Elle nous vient de notre ancêtre Ninikine, le Petit-fils céleste. Si tu devais être menacé par le feu, la terre ou l’eau, sers-toi de cette amulette pour t’en protéger. Quant à ce sabre, c’est le noble Murakumo, utilisé autrefois quand Sosanowo a conquis le Pays d’Izumo. Ces trésors t’apporteront la bonne fortune. Reçois-les avec révérence, écrase l’ennemi et reviens sain et sauf au pays. Ne néglige jamais ces paroles. » Ce disant, elle remit l’étui et l’épée au Prince.

Autrefois, pendant le règne de Mimaki-Irihiko (grand-père de Woshirowake), le Prince Ame-Hiboko avait franchi la mer pour venir de Shilla, son pays natal sur la péninsule de Corée. Après avoir été au service du souverain, il était reparti vers son pays d’origine. Son fils était Morosuke qui, à son tour, avait engendré Hinaragi. Lui-même eut comme enfant Kiyohiko qui eut finalement Tajimamori comme descendant. Sur ordre du souverain Ikume-Irihiko (fils de Mimaki), Tajimamori partit examiner les pays de l’est. A son retour, il laissa le message suivant à la postérité :

« Au cours de ma visite dans les pays du Yemishi à l’est, j’ai constaté, à mon grand regret, qu’ils ne se plieront pas facilement à la volonté du Yamato. Souhaitant toutefois trouver l’Arbre du Parfum (l’oranger Tachibana), comme je l’avais promis, j’ai passé plusieurs années à la maison de Tachibaba Motohiko et je me suis familiarisé aux coutumes du pays. Dix années se sont rapidement écoulées, tandis que je séjournais là-bas. Pendant ce temps, j’ai fait connaissance aussi avec les dirigeants de Hitakami et Shimatsu.

« Finalement, j’ai compris les différences entre Yamato et Hitakami, j’ai obtenu le Parfum et je suis parvenu avec peine à le ramener à la cour. Mais avant d’y arriver, mon souverain était décédé. Je me suis alors tourmenté sans cesse, me demandant pourquoi je n’étais pas revenu plus tôt. J’offre maintenant le Parfum au Prince souverain Woshirowake. Mon Seigneur, je vous prie de ne pas oublier les liens de fraternité que j’ai noués avec Motohiko, de maintenir des relations amicales avec le pays de Hotsuma et de gouverner le pays dans la paix.

« Mon épouse est Hana-Tachibana, la fille de Motohiko, et elle est maintenant enceinte. Mais comme mon souverain est décédé, j’ai perdu toute envie de prolonger ma propre existence. Je vous prie d’avoir pitié de moi, de protéger Hana-Tachibana et son futur enfant, et de diriger longtemps ce pays dans la paix. »

Tajimamori passa de longues journées de deuil devant la tombe du souverain défunt jusqu’à ce que, finalement, dans un remords inconsolable, il mourut lui aussi et fut réuni à son maître.

Tenant compte de ce testament par Tajimamori, Woshirowake s’entretint avec son ministre Takeuchi. Tout d’abord, Takeuchi fut envoyé pour former une alliance avec Motohiko dans le Pays de Hotsuma. Oto-Tachibana, la fille de Hana-Tachibana et d’un compagnon de Yamatotake, fut dépêchée au préalable vers Hotsuma en compagnie de Hotsumi-Teshi et de Sakurane-Mashi comme ministres (Teshi à la gauche et Mashi à la droite). C’est alors seulement que Yamatotake et son armée avancèrent.

Apprenant ces événements, les dirigeants de Hitakami dépêchèrent d’urgence un messager chez Motohiko, le suppliant de conclure une alliance. Mais Motohiko refusa carrément. Sur la petite plaine de Sagamu, il construisit un château que Hotsumi-Teshi, Sakurane-Mashi et les autres défendirent vaillamment, tout en attendant l’arrivée de Yamatotake.

Les proches de Yemishi ne tardèrent pas à répondre et le clan Yezo vint à la rencontre de Yamatotake sur les contreforts du Mont Fuji. Ils avaient conçu un plan astucieux pour le tromper en disant ceci : « Dans cette région, l’haleine des cerfs sauvages monte comme la brume et il arrive parfois que la plaine soit piétinée sous leurs pas. Vous reconnaîtrez leur chemin par le sens des branches qu’ils ont foulées. Pourquoi ne viendriez-vous pas à la chasse ? »

Entendant ceci, le Prince se dit : « Eh oui, pourquoi pas? » Et il partit à la chasse aux cerfs.

L’ennemi attendait ce moment pour mettre le feu à la plaine. Se rendant compte de leur duplicité, Yamatotake mit lui-même le feu aux herbes sèches au moyen d’un silex. Puis, retirant son amulette contre le feu, la terre et l’eau hors de l’étui de brocart que lui avait donné Yamatohime, il prononça trois fois une incantation.

Tout à coup, le vent d’est changea de direction et la fumée, dérivant de l’ouest, se retourna vers les ennemis. Au moyen de son épée, le Prince coupa alors les herbes pour mettre en feu toute la plaine et engloutir les ennemis. A cet endroit, on donna le nom de Yakezuno ou “Lande brûlée” et, à partir de ce moment, l’épée fut appelée Kusanagi ou “Faucheuse d’herbe”.

Se rendant compte de la situation précaire où se trouvait le château de Sagamu, l’armée se déplaça vers le Mont Ashigara. Entre-temps, Motohiko et les autres s’efforçaient avec bravoure de défendre le château contre l’ennemi qui s’approchait. Mais quand ils comprirent que le château serait inexpugnable, les ennemis modifièrent leur stratégie et ils amoncellèrent des broussailles tout autour. Après avoir laissé sécher au soleil pendant soixante-quatorze jours le bois placé par-dessus, ils y mirent le feu et le château fut immédiatement englouti dans une mer de flammes.

Yamatotake monta au sommet du Mont Yagura et il regarda en direction du Château de Sagamu dans le lointain. Remarquant les flammes qui jaillissaient au loin, il imagina d’urgence une stratégie. Tout d’abord, il dépêcha Takehiko de Kibi et ses hommes vers le sud en direction de Ohoiso. Ensuite, il envoya l’armée d’Ohotomo Takehi vers le nord autour du Mont Ohoyama. Les deux hommes approchèrent ainsi le château par le nord et le sud pour prendre l’ennemi dans un mouvement de tenailles.

Yamatotake se coiffa soigneusement et purifia son corps, puis il se façonna une épée dans du bois de chêne blanc qu’il dédia à la divinité du Mont Fuji. Par trois fois, il entonna ensuite l’incantation purificatrice contre le feu, la terre et l’eau. Tatsuta, la divinité dragon, sortit alors du Lac Konoshiro proche du Mont Fuji, faisant tomber une forte pluie qui éteignit le feu autour du château. L’armée du souverain reprit courage et s’attaqua aux ennemis dont elle massacra la moitié. Tandis que les autres prenaient la fuite, les forces alliées poussèrent des cris de joie en savourant leur triomphe.

Alors que Yamatotake et son armée franchissaient le portail du château, la princesse Oto-Tachibana accourut vers lui et elle lui prit les mains pour exprimer son soulagement. « J’ai craint de mourir dans les flammes avec tous les défenseurs du château. Mais nos prières ont été exaucées. Quelle n’est pas ma joie maintenant de pouvoir à nouveau contempler votre visage ! » Les manches de son vêtement devinrent humectées de ses larmes de joie.

Le pire ayant été évité, Motohiko publia l’ordre suivant à l’intention de toute la population : « Ceux qui refusent de se plier à notre autorité seront mis à mort. » Aussi, tous les paysans vinrent-ils lui prêter serment d’allégeance et demander au Prince d’effectuer une procession officielle dans tout le pays. C’est ainsi que le 8ème jour du 12ème mois, Yamatotake entreprit une grande tournée de la région, utilisant un panier d’oranges comme emblème. Les habitants de Hotsuma se soumirent à lui, la paix revint dans le pays et la population se livra à de grandes réjouissances.

Poursuivant son voyage, le Prince embarqua sur un bateau pour passer d’Ohoiso à Kazusa (sur la rive opposée de l’actuelle Baie de Tokyo). Mais au cours de la traversée, l’embarcation fut prise tout à coup dans une tempête furieuse. Ballotté par les vents et soulevé par d’énormes vagues, le bateau partit à la dérive tel un fétu de paille, emporté à la surface de la mer en furie.

Soucieuse d’apaiser les vagues houleuses, Oto-Tachibana, la compagne du Prince, s’avança tout à coup à la proue du bateau et elle se mit à prier le ciel et la terre pour la sécurité de la barque. « Que l’autorité de mon seigneur s’étende sur le Yamato ! Par égard pour mon seigneur, je deviendrai un dragon, de manière à protéger ce bateau ! » Ce disant, elle se précipita dans les flots.

Tout le monde à bord fut surpris et s’efforça de la retrouver, mais on ne la vit plus nulle part. Puis, à leur plus grande stupéfaction, les flots se calmèrent et le bateau accosta finalement en sécurité à l’autre rive.

Ayant débarqué à Kazusa, Yamatotake suspendit un miroir aux branches d’un arbre “sakaki” comme symbole de son statut souverain et mystique. Ensuite, Yamatotake et son armée s’avançèrent vers le Pays de Hitakami où ils furent accueillis par Tokihiko, le Prêtre du Sanctuaire Katori, par Hidehiko, le Grand Prêtre du Sanctuaire Kashima, et par Otohiko, le Prêtre du Sanctuaire d’Ikisu, qui avait déjà accueilli Kuninazu Ohokashima (le Grand Prêtre du Grand Sanctuaire d’Ise). Ohokashima prépara un festin luxueux pour son souverain, accueillant chaleureusement Yamatotake et ses hommes. Ils séjournèrent ensuite un certain temps au Palais de Kashima, puis à nouveau, ils traversèrent le Lac Ashiura. Après avoir abordé sur la plage de Nakoso, ils y construisirent un palais temporaire.

Pendant leur séjour à cet endroit, Michinoku de Hitakami et Michihiko de Shimatsu, chefs des tribus Yemishi, s’approchèrent, flanqués de 5 gouverneurs locaux, de 174 chefs de clans et d’une foule de soldats. Armés d’arcs et de flèches, ils se rassemblèrent près du port de Take pour faire obstacle à l’avancée de Yamanotake. C’est là qu’ils établirent leur camp en préparation de la bataille.

Apprenant cette nouvelle, Yamatotake dépêcha Takehi comme messager pour inviter les deux dirigeants à discuter. Michihiko de Shimatsu était conscient de l’autorité divine du Prince et il savait bien que, s’il résistait, il serait sûrement anéanti. Aussi se défit-il rapidement de ses armes pour manifester sa soumission. Mais Michinoku n’avait aucun intention de céder. C’est pourquoi Yamatotake envoya à nouveau Takehi en émissaire au camp Hitakami pour tenter de convaincre le leader de se soumettre.

Michinoku vint à sa rencontre au portail et il dit sans détour : « Tu es au service d’un maître humain, mais tu le dis divin. Toi si faible, comment oses-tu, avec une telle impudence, venir nous dépouiller de notre royaume ? »

A ceci Takehi répondit : « Si le souverain céleste te donne un ordre et que tu le refuses, tu seras mis à mort. »
« Par quelle autorité dis-tu cela ? s’enquit encore Michinoku. Ce pays de Hitakami a toujours été la possession de Takamimusubi, notre grande Divinité ancestrale, dont le règne s’est poursuivi depuis sept générations. Son petit-fils, la divinité du soleil Amateru, est venu ici pour apprendre la Voie du Ciel au Palais Yamate. Oshihomimi, l’héritier d’Amateru, eut alors deux fils avec la Princesse Takuhatachichi. Kushitama Honoakari Teruhiko, l’aîné, gouverna Yamato à partir du Palais Asuka, tandis que le cadet, le petit-fils céleste Ninikine, régna sur le Pays de Hotsuma à partir de Harami. A cette époque, Amateru accorda ce Pays de Harami à mon ancêtre Takagi et j’en suis le descendant à la quatorzième génération. Pendant tout ce temps, nous ne nous sommes inclinés devant les dirigeants d’aucun autre pays. Quand Takehito saisit Asuka et qu’il usurpa le pouvoir du pays, il fut appelé divin à tort. Mais son action a bafoué les principes des cieux et, pour cette raison, nous n’avons jamais reconnu son autorité. Et à présent, tu viens à nouveau animé de l’intention de ravir le pays auquel nous avons droit ! Est-il donc aussi un être divin, celui que tu appelles ton souverain céleste ? N’est-il pas tout simplement un souverain terrestre, un chef mortel ? »

En silence, Takehi avait écouté les doléances de Michinoku, puis il répondit avec un sourire :
« Connais-tu le dicton suivant : “Si tu vis dans un puits, tu ne peux voir le lac.” Tu vis dans les provinces et il t’est impossible de voir la gloire véritable. Tes revendications semblent bonnes, mais tu te trompes. Ecoute-moi bien, car je vais te dire où est la vérité. »

Takehi fit une pause pour observer tous ceux qui écoutaient attentivement leur conversation. Avec grand soin, il continua en veillant à bien se faire comprendre de tous. »

« Il y a bien longtemps, Nagasune, ministre d’Asuka, a volé le “Yotsugi Fumi” (le Livre de Succession) dans le trésor du Sanctuaire Kasuga. Mais le Seigneur d’Asuka ne le châtia pas pour son méfait. C’est alors que le chant suivant devint populaire dans tout le pays :

“Nori kudase Hotsuma-ji, hiromu ama-no-iwafune”

(“Impose la loi dans les territoires de l’est, étends partout le bateau-rocher du ciel”).

Shihotsuchi, le noble vieillard, pria alors Takehito d’aller faire règner son autorité. Quand Takehito parvint à soumettre Yamato, la Grande Divinité apparut dans un rêve au Seigneur Kashima, lui disant : « Va les châtier ! » Mais il répondit : « Je ne vais pas y aller moi-même, mais j’enverrai mon épée avec laquelle mes ancêtres ont pacifié le pays et celle-ci sera offerte par Takakurashita. » Animé d’un caractère et de l’autorité convenant à un souverain, Takehito poursuivit son règne divin et, depuis lors, sa lignée de divinités souveraines a illuminé le monde. Sans notre ligne de souverains, d’où tiendrais-tu ton calendrier ? »
« D’Ise. » lui répondit-on.
Mais Takehi continua : « Amateru, la grande divinité qui éclaire les cieux, a fait le premier calendrier et nous l’a conféré. Il nous a fait planter le riz et accroître notre nourriture. Et c’est grâce à cela que nous avons tous la vie. La grande divinité a veillé sur ce monde depuis 1.793.000 années et elle réside maintenant dans la sphère solaire. Ninikine, son petit-fils, a gouverné le peuple dans la prospérité et il a été le souverain céleste fait à l’image de la divinité solaire. Tu as reçu les bienfaits de la vie au fil des générations et pourtant, tu ne témoignes aucune gratitude envers ton souverain. Combien de transgressions as-tu accumulées ainsi? Mais il existe un moyen de t’en sortir. Prétends-tu encore que notre souverain n’est pas divin ? »

Entendant ces paroles, Michinoku et tous les autres s’inclinèrent avec obéissance et ils furent ainsi pardonné par Yamatokake. A Michinoku, il accorda les pays au nord de Nakoso, les appelant Michinoku, mais il ordonna que la première moisson de cent domaines fut offerte comme tribut.

A Michihiko, il accorda les terres de Tsukaru Yemishi dans le grand nord et il ordonna que la moisson de soixante-dix domaines fut payée en guise de tribut. Quant aux régions méridionales, il accorda à Mikasa Kashima les trois pays de Hitachi, Kazusa et Awa. Enfin, les trois frères Hidehiko, Tokihito et Ohohiko Kashima se virent conférer des vêtements rituels.

Les cinq gouverneurs locaux implorèrent le Prince de leur enseigner la Voie du Ciel et c’est ainsi qu’ils furent invités à le suivre sur sa route vers le Palais Nihari.

Michihiko, le chef des Yemishi de Shimatsu, apporta dix mesures de brocart multicolore et une centaine de flèches acérées, munies d’ailerons à plumes. Michinoku, quant à lui, apporta dix livres d’or et une centaine de flèches Kumaso.

Alors que le beau temps s’était maintenu depuis la fin de l’année précédente, de fortes neiges tombèrent le 28ème jour de la nouvelle année et le Prince se rendit en traîneau jusqu’au Palais de Sagamu. Un certain Toragashiwa l’y attendait car, sur la plaine, il avait trouvé un des étriers perdus par Yamatotake au cours de la bataille contre les Yemishi. Toragashiwa accrocha l’étrier (“abumi”) à une branche de “sakaki” pour en faire une offrande alors que le Prince s’approchait.

Yamatotake le félicita chaleureusement et, à l’endroit où l’étrier avait été retrouvé, il donna le nom “Tamagawa Abumi” (actuellement une partie de la ville d’Atsugi). En honneur de l’offrande sacrée (“sashi”) réalisée avec cet étrier, il donna à toute la région le nom de Pays de Misashi (“Offrande Auguste”), appelée actuellement Musashi. Il confia cette région et le Pays de Sagamu à Tachibana Motohiko qui avait fait preuve d’un grand courage au cours des combats contre les Yemishi et il en fit le chef suprême de toute la région.

Après que Oto-Tachibana se fut jetée dans la mer, ses deux ministres, Teshi et Mashi continuèrent à errer sur le rivage à la recherche de sa dépouille mortelle. Un jour, ils découvrirent finalement son peigne et sa large ceinture sur la plage d’Ohoiso. Quel remords profond n’ont-ils pas ressenti en retrouvant ces objets que la Princesse portait si près de son corps ! Ils organisèrent alors une cérémonie dite “Tsukari-Abiki” pour envoyer son âme aux cieux. Les reliques furent enfouies dans un tertre appelé Azumamori (“Forêt de ma Femme”) sur les collines d’Ohoiso. Au-dessus du tertre, on construisit un sanctuaire où elle est vénérée comme divinité. Voulant témoigner de leur loyauté et de leur dévotion profondes envers la Princesse, Teshi et Mashi restèrent à cet endroit afin de protéger son âme.

Au travers de ces événements, Yamatotake fut convaincu que l’esprit de son ancêtre n’était autre que Sosanowo, le frère d’Amateru. Il fit construire un Grand Sanctuaire sur la plaine de Kawaahi (actuellement la ville d’Ômiya dans la préfecture de Saïtama), où il vénéra la divinité de Hikawa (Sosanowo).

Pour commémorer le succès de son expédition, il enfouit les armes de ses fantassins sur le Mont Chichibu. Puis, le 8ème jour du 2ème mois, il entreprit une dernière tournée de la région de Musashi. Les habitants l’accueillirent avec des paniers d’oranges, fixés aux corniches de leur demeure en guise de symbole de leur hommage à son égard, ce qui resta comme une coutume du Pays de Hotsuma.
Tout cet épisode s’est ainsi achevé et la paix fut finalement rétablie.

Quittant les plaines de Musashi, Yamatoke entreprit son voyage de retour au pays. Escaladant la Colline d’Usuyi (le Col d’Usui sur la Route nationale Nakasendo), il s’arrêta au sommet et se souvint de sa Princesse défunte. Tournant les yeux vers la mer au sud-est, il se mit à réfléchir à leurs brèves années de vie commune. Il sortit alors un chant que la Princesse avait écrit en souvenir :
Sane zane shi Sagamu no ono ni
Moyuru hi no honaka ni tachite
Tohishi kimi wa mo

“Oh, mon seigneur, toi qui m’as appelée alors que je me trouvais parmi les flammes brûlantes, arrivant du nord et du sud, sur la petite plaine de Sagamu.”

Yamatotake répéta trois fois le poème, avant d’émettre un cri de profond remords : « Azuma awa ya ! » (“Hélas, mon épouse !”)
Pour cette raison, le pays à l’est de ce point est maintenant appelé Azuma.
(Extrait du 39 ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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