Hotsuma-Tsutae Le Livre de l'Homme (Chapitre 33,34) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Le règne de l’Empereur Sujin
- Destruction de la peste et établissement d’une nation pacifiée -

Le 13ème jour du 1er mois de la 621ème année du calendrier Asuzu, le Prince héritier Yisoniye accéda aux fonctions de souverain sous le nom de Mimaki-Irihiko, connu plus tard comme l’Empereur Sujin. Il avait alors 52 ans. Pendant le 9ème mois de la 3ème année de son règne, la capitale fut déplacée au Palais de Mizukaki à Shigi.

Le 23ème jour du 10ème mois de la 4ème année, le souverain publia le décret suivant :

« Les Trois Trésors Célestes qui nous ont été transmis par feu notre père souverain sont le Sceau divin de Kunitokotachi, le Miroir Yata d’Amateru et l’Épée Yahegaki d’Ohokunitama. A notre cour, nous avons toujours vénéré ces Trésors avec déférence et nous avons respecté les enseignements des anciens. Nous avons passé nos journées et nos nuits à côté d’eux pour être proches de la divinité. Mais récemment, nous sentons que la proximité même de ces Trésors réduit plutôt notre autorité souveraine et ceci nous cause un profond malaise.

« C’est pourquoi nous allons déplacer le sanctuaire d’Amateru à Kasanuhi pour qu’il soit vénéré par la Princesse Toyosuki, et le sanctuaire d’Ohokunitama à Yamabe de sorte qu’il soit vénéré par la Princesse Nunagi. Nous allons faire façonner à nouveau le miroir et l’épée par les descendants du fabricant de miroirs Ishikoridome et du fabricant d’épée Amame-Hitotsu. Ils seront ajoutés aux sceaux divins d’Amateru pour devenir les Trois Trésors Célestes. Ces trois seront les nouveaux trésors divins, nécessaires à l’avenir à la succession du souverain céleste. »

Pendant la 5ème année se produisit une grande épidémie qui décima la moitié de la population. Pendant la 6ème année, la population se dispersa et le pays tomba dans un état de confusion.

Le souverain Mimaki pria les dieux avec ferveur. Il estimait que les calamités sans précédent et récurrentes, les souffrances de la population et la dégradation du gouvernement découlaient toutes de ses propres erreurs. Il décida donc de rendre un hommage encore plus grand aux divinités, de se concentrer plus sincèrement sur le bien du peuple et d’accroître la rectitude de son administration. De cette façon, pensait-il, ses erreurs seraient pardonnées et le sort de la population s’améliorerait. Les deux sanctuaires d’Amateru et d’Ohokunitama furent reconstruits et l’on se prépara à y déplacer les divinités.

A l’automne de la 6ème année, la divinité Ohokunitama fut finalement déplacée à Yamabe (actuellement le sanctuaire Yamato à Nara), le 16ème jour du 9ème mois. La nuit suivante, la divinité du sanctuaire d’Amateru fut déplacée à Kasanuhi (actuellement le sanctuaire Hihara à Nara).

Les fidèles continuèrent de faire la fête toute la nuit, alors que les lanternes diposées en face du sanctuaire brillaient de leurs plus belles couleurs. Puis, la divinité Amateru descendit des cieux avec les autres dieux. Les prêtres présentèrent des offrandes rituelles de nourritures et, toute la nuit durant, ils récitèrent le “iro no tsuzu uta” (un poème de dix-neuf syllabes, commençant par un “i” et ayant un “ro” au centre comme syllabe-charnière).
Iza tohoshi yuki no yoroshi mo
Ohoyosu gara mo

(Saluées toute la nuit par la lumière de l’éternité, les divinités célestes descendent du lointain.)
Avec une extravagance sans bornes, la fête des divinités célestes se poursuivit jusqu’aux premières lumières de l’aube.

Le 3ème jour du 2ème mois de la 7ème année, le souverain publia le décret suivant : “Les fondations établies par nos ancêtres lors de la création de ce pays étaient bonnes et solides. Mais pendant notre règne, nous avons subi des calamités sans précédent qui équivalent à un vrai désastre. La raison en est notre déférence insuffisante et notre manque de vénération des dieux. Nos prières n’ont pas suffi pour atteindre les cieux et voilà notre punition. A compter d’aujourd’hui, nous serons plus dévots dans notre culte envers les divinités. »

Ce disant, il partit en procession pour le Palais d’Asahi-no-Hara (actuellement le Sanctuaire Hinumanai dans la préfecture de Kyoto). Là, il demanda à la Princesse Momoso (fille de son arrière-grand-père Ohoyamato-Futoni) d’interpréter la danse mystique Yunohana afin de rassembler les 800 myriades de divinités. Tombant dans une transe shamanique, elle prononça la révélation divine suivante en un “satsusa tsuzu uta” (un poème de dix-neuf syllabes, commençant par un “sa” et ayant un “tsu” au centre comme syllabe-charnière).
Saru tami mo tsuzu ni matsurade
Woye ni midaru sa

(“Le peuple est éparpillé parce que les divinités ne sont pas vénérées convenablement et c’est pourquoi il y a confusion et profanation.”)
Le souverain demanda quelle divinité avait inspiré ce poème et la princesse répondit que c’était Ohomononushi, la Divinité de la Terre. Mais aucune autre divination ne fut prononcée.
Mimaki se purifia, puis pria avec ferveur en ces termes : « J’ai fait mes dévotions en bonne et due forme, mais pourquoi n’ai-je pas encore reçu de bénédiction ? » Ce soir-là, le Ohomononushi lui apparut en songe : « Ne crains pas, lui dit-il. C’est moi qui veux que ton pays traverse encore des difficultés. Si tu nommes mon descendant Ohotataneko pour me vénérer, la paix reviendra dans tout le pays et les dirigeants des régions lointaintes viendront d’eux-mêmes s’incliner devant toi. »

Le 7ème jour du 8ème mois, trois autres personnes (à savoir Chihara-Mekuhashi, la fille de Tohaya, Ohominakuchi et Ise Wo-umi) vinrent faire part au souverain d’un songe similaire. Ils avaient rêvé d’une divinité qui disait que Ohotataneko serait nommé pour vénérer le Ohomononushi et que Shinagawo-Ichi vénérerait Oho-Yamato Kunitama. Si ceci se réalisait, la pestilence disparaîtrait et la paix serait rétablie dans le pays. Le souverain fut très content de la convergence de ces songes avec le sien et il publia immédiatement un ordre pour faire rechercher Ohotataneko.

Il se faisait qu’Ohotataneko était le petit-fils d’Ohomikenushi, Ministre de la Droite sous le règne du 9ème souverain Wakayamato (connu par la postérité comme l’Empereur Kaika). A la mort de son père (le souverain précédent Yamato Kunikuru ou l’Empereur Kogen), Nekohiko avait cherché à épouser Ikashikome, une des compagnes de Kunikuru, et d’en faire sa compagne principale ayant le rang d’Uchimiya. Ohomikenushi le réprimanda en disant : « Bien qu’elle ne soit pas notre mère naturelle, cette union viole la Voie d’Ise, le principe naturel du mariage. »

Mais Nekohiko ne tint aucun compte de cet avertissement et il donna suite à son projet. Ohomikenushi n’eut alors d’ autre solution que d’abandonner son poste et de s’abaisser au rang de roturier. Il se retira au village de Suye à Chinu (une partie de la ville actuelle de Sakai, préfecture d’Osaka) où était né Ohotataneko.

Peu après, on signala qu’on avait bien trouvé un homme de ce nom vivant dans le village de Suye. Aussi le souverain se mit-il en route pour Chinu, accompagné de 80 serviteurs. Là, il demanda à Ohotataneko : « De qui es-tu l’enfant ? » A quoi Ohotataneko répondit : « Il y a bien longtemps, le Mononushi (Konori) a épousé Ikutamayori, la fille de Suyetsumi. Je descends de leur enfant, Ohomiwa Kantachi, et notre famille a vécu dans ce village de Suye depuis des générations. »

Apprenant ceci, Mimaki fut vivement encouragé. « Voici certainement la personne dont il a été question dans notre songe, dit-il. Grâce à celle, notre règne va sûrement prospérer. »

Le souverain fit alors pratiquer la divination par Ikishikowo selon le Futomani. Comme son oracle produisit un présage favorable, Ikishikowo reçut l’ordre de préparer quatre-vingts plats en guise d’offrandes aux divinités le premier jour du dixième mois. Après quoi, Ohotataneko fut nommé Grand prêtre pour le culte de la divinité Ohomiwa Ohomononushi (dans ce qui est actuellement le Sanctuaire Omiwa à Nara) et Shinagawo-Ichi devint le Grand prêtre pour le culte d’Ohokunitama. Ces nominations furent signalées dans tout le pays. Pour la première fois, une liste de toutes les divinités fut rédigée, accompagnée des lieux sacrés et du corps du clergé chargé du culte pour les huit millions de divinités.

Par ces actes, la sincérité de la dévotion du souverain fut reconnue par les cieux, la peste disparut et le pays fut enfin pacifié. Cette année-là, la récolte fut généreuse et le petit peuple savoura une réelle abondance.

Le 4ème jour du 4ème mois de la 8ème année, un homme du nom de Ikuhi, originaire du village de Takahashi, prépara une liqueur de riz sacré appelé “miki’” et il l’offrit à la divinité Ohomiwa. Son goût était succulent. Le 8ème jour du 12ème mois, le Grand prêtre Ohotataneko rendit un culte à la divinité Ohomiwa et le souverain se rendit en procession au sanctuaire. A la table du souverain, on offrit la liqueur de riz, faite par Ikuhi. Le souverain en fut ravi et il composa le chant suivant :
Kono miki ha waga miki narazu
Yamato naru Ohomononushi no
Kami no miki ikuhisa tsukuru
Sugiba Ikuhi sa

(« Cette liqueur sacrée n’est pas à nous. Elle a été fabriquée il y a bien longtemps par la divinité Ohomononushi de Yamato et elle nous est apportée par Ikuhi. »)
Plus tard, vers la fin du banquet, les ministres chantèrent ce qui suit :
Uma sake ya mi ha Miwa no tono
Asado ni mo idete yukanan
Miwa no tonoto o

(« Avec un saké si délicieux, nous restons dans le Palais de Miwa. Quittons-le par la porte à l’aube, la porte de ce Palais de Miwa. »)
Le souverain répondit par une version modifiée de leur chant :
Uma sake ni mi ha Miwa no tono
Asado ni mo oshi kira kane yo
Miwa no tonoto o

(« Pour un saké si délicieux, nous restons dans le Palais de Miwa. Nous pousserons pour ouvrir la porte à l’aube, la porte du Palais de Miwa. »)
Ce disant, le souverain et ses ministres en état d’ébriété poussèrent la porte et ils rentrèrent chez eux le matin suivant.

Le soir du 15ème jour du 3ème mois de la 9ème année, Mimaki eut de nouveau un songe de mauvais augure. « Vous devez dresser des lances décorées en rouge, blanc et jaune et vénérer les divinités. Rendez un culte aux trois divinités sur la Colline Sumisaka d’Uda, sur la Colline Ohosaka et sur la Colline Kawasesaka. Car c’est là que résident les âmes des méchants et elles sont la cause de la peste.

Le 22ème jour du 4ème mois, Ohokashima (le premier Grand prêtre du Grand sanctuaire d’Ise) et Ohotataneko se mirent à prier pour “tamagaeshi” (le retour des âmes défuntes vers les cieux) et, à compter de là, une nouvelle époque débuta.

Le 24ème jour du 7ème mois de la 10ème année, le souverain publia un décret. « Nous avons guidé le peuple par nos enseignements, nous avons vénéré les divinités et, finalement, nous avons vaincu la pestilence. Toutefois, des groupes indisciplinés qui n’observent pas la loi et refusent d’accepter nos décrets subsistent encore dans certaines régions éloignées du pays. Aussi, allons-nous dépêcher des émissaires dans les quatre directions, de sorte qu’ils y enseignent la loi et ramènent la stabilité dans le pays. »

Le 9ème jour du 9ème mois, Ohohiko fut nommé émissaire pour le Pays de Koshi (actuellement la région du Hokuriku), Take-Nunagawake pour le Pays de Hotsuma (Tokaï et Kanto), Kibitsuhiko vers le sud-ouest (la région San’yo) et Tanihachinushi vers Taniha (la région Tamba). Ils reçurent ordre de prendre les armes et de tuer tous les chefs locaux qui refuseraient de céder devant eux. On leur confia les symboles de l’autorité du souverain et, accompagné d’une armée, chacun se mit en route vers la région de son affectation.

Le 15ème jour, Ohohiko arriva sur la colline de Narasaka à Soye-Agata dans la région de Yamashiro (actuellement à Kyoto). Là, il entendit chanter une jeune fille :
Miyo Mimaki Irihiko awa ya
Ono ga soye nusumi shisen to
Shiri tsu to o iyuki tagahinu
Mae tsu do yo iyuki tagahite
Ukagawaku shiraji to
Mimaki Irihiko awaya

(« Hélas, notre souverain Mimaki-Irihiko ! Vous ne savez pas que, furtivement, l’un des vôtres conspire pour vous tuer ! Regardez par la porte de derrière, et non par la porte de devant, Mimaki-Irihiko ! »)
Croyant que ce chant impliquait une signification étrange, Ohohiko alla demander à la fille ce qu’elle voulait exprimer. « Ce chant ne signifie rien. Je ne faisais que chanter » répondit-elle. Là-dessus, elle disparut. Cet incident troubla Ohohiko à un point tel qu’il arrêta la progression de son armée et qu’il repartit immédiatement pour la cour.

Le 17ème jour du 9ème mois de la 10ème année, Ohohiko revint en hâte au Palais Mizukaki, l’esprit encore tout troublé par la chanson de la fillette. A son arrivée, il répéta les paroles au souverain, ajoutant ceci : « La chanson de la jeune fille de Narasaka à Yamashiro renferme sûrement un mauvais présage. Je vous supplie de débattre de sa signification de toute urgence. »

Mimaki réfléchit donc à cette énigme en compagnie de ses ministres et conseillers. Pour les affaires du gouvernement, le souverain avait toujours reçu les conseils de sa grand-tante, la Princesse Momoso, une personne d’une nature censée et connue pour posséder le pouvoir de divination. Elle comprit ce que signifiait le chant et déclara : « C’est le signe que Take-Haniyasu va comploter pour usurper votre pouvoir, dit-elle. J’ai appris que son épouse, la Princesse Ata, a pris de l’argile sur le Mont Kagu et qu’elle l’a rapportée soigneusement enveloppée dans un linge. Elle prie avec ferveur devant cet argile, l’appelant le symbole du pays. Il s’agit là d’une affaire sérieuse et vous devez donc prendre rapidement une décision. » Take-Haniyasu était le demi-frère aîné de Mimaki et le frère cadet du souverain précédent.

A peine les nobles se furent-ils réunis pour discuter de leur stratégie qu’un coursier rapide arriva, porteur d’un message urgent. Haniyasu et la Princesse Ata se déplaçaient déjà, annonça-t-il, pour attaquer la capitale avec leurs armées selon un mouvement de tenailles, lui partant de Yamashiro et elle d’Ohosaka. Aussitôt, le souverain donna ordre à Isaseri de partir pour Ohosaka afin d’y combattre Ata. Cette bataille fut rapidement gagnée et la Princesse tuée.

Entre-temps, Ohohiko et Hiko-Kunifuku furent envoyés pour contenir Haniyasu. Kunifuku déposa des jarres rituelles sur la colline de Wani-Takasuki à Yamashiro en guise de prière pour obtenir le succès dans la bataille. Puis, il conduisit son armée et, après avoir bien piétiné l’herbe et les broussailles en vue d’un combat au corps à corps, ils remportèrent la victoire sur leur ennemi.

Par ailleurs, Ohohiko s’avança par la route encaissée et il se prépara à l’attaque par l’autre berge de la rivière. Comme les deux armées se mettaient au défi, Haniyasu établit son camp en amont. Apercevant Kunifuku, il cria : « Pourquoi viens-tu me lancer un défi ? » Et Kunifuku de répondre : « Nous sommes venus te châtier pour avoir violé les ordres du souverain ! »

Sur quoi les deux adversaires se hâtèrent pour tirer le premier. Haniyasu décocha mais manqua son coup. Kunifuku tira ensuite et sa flèche transperça la poitrine de Haniyasu qui en mourit sur place. Privée de son chef, l’armée ennemie tomba dans la confusion la plus totale et elle fut prise d’un sauve-qui-peut général. Tandis que le camp du souverain leur donnait la chasse, ils prirent misérablement la fuite en criant « Notre seigneur ! Notre seigneur ! » Ayant maté la rébellion de Haniyasu, l’armée victorieuse revint en triomple à la capitale.

Le 1er jour du 10ème mois, le souverain publia le décret suivant : « L’intérieur a été pacifié avec succès, mais les régions extérieures restent sous l’emprise de gens sauvages. Aussi nos armées seront-elles envoyées vers les quatre régions. » Le 22ème jour, les armées se mirent donc en route pour aller pacifier les provinces. Les généraux placés à la tête des armées furent appelés “oshihedo” ou “enseignant du jour”.

La Princesse Momoso devint l’épouse d’Ohomononushi. Il restait auprès d’elle la nuit mais, chose étrange, il ne se montrait jamais pendant le jour. Elle souhaitait pourtant savoir à quoi il ressemblait pendant la journée et, un matin, elle tenta donc de l’empêcher de partir. Il lui dit alors : « Ta requête est raisonnable. Demain matin, je vais entrer dans ta boîte à peignes. Si tu vois ma vraie forme, quelle qu’elle soit, n’en sois pas alarmée. »

Trouvant cela étrange, Momoso regarda dans sa boîte à peignes le lendemain matin et elle fut étonnée d’y voir un petit serpent enroulé. Surprise, elle laissa échapper un petit cri. Ceci fit tellement honte au souverain qu’il reprit immédiatement sa forme humaine et dit : « Contre ma demande, tu as crié, prise d’inquiétude. Ceci me fait tellement honte que jamais je ne pourrai m’en défaire. » Ce disant, il sauta vers le ciel et disparut vers le Mont Mimoro.

Voyant son mari s’élever dans le ciel, Momoso fut prise d’un tel remords qu’elle décida de le suivre, elle se creva les parties intimes au moyen de baguettes et en mourut. Son corps fut ensuite enterré au tumulus Hashizuka à Oichi.

Ce tertre funéraire fut fabriqué de pierres, provenant du Mont Ohosaka, transportées par des hommes le jour et par des divinités la nuit. Les gens se tenaient les uns à côté des autres, se passant les pierres jusqu’à ce que le monticule fut terminé. Quand il fut terminé, on composa ce chant en signe de célébration :
Ohosaka no tsuki no kao soe
Ishi mura o takoshi ni kosaba
Koshi ga ten kamo

(« Si nous savons passer ces pierres depuis le lointain Mont Ohosaka, ensemble et en nous regardant, il n’y a rien qui ne pourra être surmonté. »)
Le 16ème jour du 4ème mois de la 11ème année, les armées revinrent des quatre provinces et leurs dirigeants annoncèrent au souverain que les peuples indisciplinés avaient été pacifiés. Le souverain en fut totalement soulagé et il se sentit rassuré par l’état pacifique que retrouvait le pays.

A l’automne, le souverain donna ordre à Ohotakaneko d’effectuer les rites pour l’âme de ceux qui étaient morts au cours des campagnes militaires. La cérémonie se tint en grande pompe au tertre de Hashizuka. Une foule affairée se rassembla pour le culte et la lumière de l’ordre divin brilla au cours du festival.

Le 11ème jour du 3ème mois de la 12ème année, le souverain publia un décret. « Depuis que j’ai pris la succession dans la dignité céleste, je n’ai pas eu un instant de repos car les jours se sont succédé. Les principes masculin et féminin ont été boulerversés et l’ordre céleste a été perturbé. Nous avons été touchés par une pestilence redoutable et une foule de bons citoyens ont perdu la vie. Pour purifier ce pays de ses maux et de ses impuretés, nous avons rendu un culte aux dieux et nous nous sommes efforcés de transmettre les enseignements des divinités du ciel et de la terre. Finalement, les peuples indomptés des quatre provinces se sont conformés à notre loi et nous avons rétabli la paix et la prospérité dans ce pays.
Après mûre réflexion, nous avons décidé, dans notre joie pour cette heureuse conclusion, de créer de nouvelles voies pour les vieux et les jeunes, d’accorder plus de répit à la population et d’abolir les impôts pesants sur les arcs et les textiles. Par là, le peuple deviendra plus riche et le pays connaîtra l’abondance. »

Cet automne-là, la moisson de riz fut copieuse, le logement des habitants s’améliora et les coutumes populaires se développèrent. Le cæur du souverain retrouva sa tranquillité et la nation prospéra dans un tel climat de paix que Mimaki fut appelé le “premier vrai dirigeant du pays”.

Le 10ème jour du 1er mois de la 48ème année, Mimaki publia un décret à l’intention de ses fils, le Prince Toyoki et le Prince Ikume. « Jusqu’à ce jour, leur dit-il, nous vous avons conféré à tous deux des faveurs égales. Mais nous devons désormais choisir lequel de vous deviendra notre héritier et successeur. Nous le ferons par oniromancie. Allez donc vous purifier d’abord en prenant un bain et venez ensuite nous rendre compte de vos songes. »

Le lendemain matin, Toyoki fut le premier à faire part de son rêve au souverain. « J’ai rêvé, dit-il, que j’escaladais le Mont Mimoro et, tourné vers l’Est, j’ai brandi huit fois ma hallebarde. »

Ensuite, Ikume s’avança pour dévoiler le songe qu’il venait d’avoir. « Moi aussi, j’ai gravi le Mont Mimori dans mon songe, expliqua-t-il. Là, j’ai tendu des cordages dans toutes les directions et j’ai chassé les moineaux. »

Mimaki réfléchit aux deux songes. Puis, il décida que, Toyoki s’étant tourné seulement vers l’Est dans son rêve, il gouvernerait la région orientale, tandis qu’Ikume deviendrait son héritier et le souverain parce qu’il avait rêvé dans toutes les directions. »

Et c’est ainsi que, le 19ème jour du 4ème moi, le Prince Ikume fut intronisé comme Prince héritier, légataire du souverain, et que le Prince Toyoki fut nommé Gouverneur du Pays de Hotsuma.

(Extrait du 33ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)


Le règne de l’Empereur Sujin
- Tsunoga Arashito est sacré Roi de Mimana -

Au 8ème mois de la 58ème année de son règne, Mimaki partit faire ses dévotions au sanctuaire de la Grande Divinité de Keyi à Kita-no-Tsu (actuellement Tsuruga dans la préfecture de Fukui). Alors que le souverain célébrait avec ses ministres et les dirigeants locaux, un homme coiffé d’un casque à une seule corne dériva dans le port sur une embarcation. Comme personne ne comprenait ses dires, l’on fit venir Sorori Yoshitake, le Seigneur de Hara, car il était bien versé en langues étrangères et il interrogea le visiteur sur le but de sa visite.

Voici la réponse qu’il fournit : « Je suis le fils du Roi de Kara (un royaume de la Corée) et je m’appelle Tsunoga Arashito et le nom de mon père est Ushiki Arashito. Quand j’étais dans mon pays, j’ai entendu parler d’un dirigeant béni qui vivait au Yamato. Souhaitant faire acte d’allégeance, je me suis embarqué sur un bateau et je suis arrivé à Anato (le Détroit de Shimonoseki). Là, un homme du nom de Yitsutsuhiko m’a dit : “Je suis le Roi de ce pays. Reste ici.” Or, il ne ressemblait en rien à un roi, mais bien plutôt à un homme très ordinaire. C’est pourquoi je me suis éloigné de cet endroit et, à la recherche de la route pour la capitale, j’ai navigué de baie en îlot tout au long de la côte. Après être passé par Izumo, je suis finalement arrivé ici. Par hasard, j’ai entendu que le souverain en personne était venu dans les parages pour vénérer une divinité et c’est ainsi que j’ai voulu me présenter à lui. »

Mimaki prit Arashito à son service et il le trouva loyal, fervent et travailleur. Pour le récompenser de sa loyauté après cinq années de service, il lui conféra le nom de Mimana, par allusion à son propre nom. Plus tard, quand Arashita se prépara à rentrer dans son pays, le souverain lui offrit en cadeau de riches brocades. Tel fut le commencement du Royaume de Mimana en Corée (appelé également Imna).

Auparavant, Arashito avait chargé certains bagages sur le dos d’un bæuf et il l’avait fait partir avant lui. En route, Arashito perdit de vue son animal et il s’arrêta pour demander à un vieillard s’il ne l’avait pas aperçu.

A ceci, le vieil homme répondit : « Vos bagages ont été volés et votre bæuf a été trucidé et mangé. Les villageois ont prévu de vous payer en argent si vous découvrez leur forfait. Si vous persévérez et qu’ils vous demandent le prix du bæuf, vous devez répondre que vous désirez recevoir la divinité qui est vénérée à cet endroit. »

Alors qu’Arashito se mit en quête de son bæuf, le chef du village lui demanda quel prix il voulait en recevoir. Comme le lui avait conseillé le vieillard, Arashito répondit qu’il voulait obtenir la divinité locale. Le dirigeant lui offrit alors une pierre blanche sacrée comme prix pour l’animal. Arashito l’emporta avec lui et il la plaça à coté de son lit. Peu après, elle s’était transformée en une jolie jeune fille.

Bien entendu, Arashito fut enchanté et il désira avoir avec elle des relations charnelles. Mais tandis qu’il s’éloignait un instant, elle disparut.

A son retour, Arashito fut très surpris et il demanda à son épouse où était partie la jeune fille. « Elle s’en est allée vers le sud », lui répondit la dame.

Aussi Arashito se mit-il à sa recherche dans cette direction et il dériva dans une embarcation vers la mer. Finalement, il aborda à Namiha (actuellement Osaka) dans le Pays de Yamato et il se rendit au Palais de Himekoso. Mais elle ne s’y trouvait pas car elle était partie pour le Palais de Himekoso dans le Pays de Toyo (dans l’Est du Kyushu) où elle était décédée.

Tandis qu’Arashito poursuivait son voyage vers son propre pays, les cadeaux reçus du souverain Mimaki furent volés par les gens de Shiragi ou Shilla (un autre royaume de Corée). Ce fut l’origine de l’inimitié entre Mimana et Shilla.

Un message de Mimana arriva alors à la cour de Mimaki, porteur du message suivant : « Dans le Nord-Est de notre pays se trouve une région prospère, divisée en parties haute, moyenne et basse. Le terrain est vaste, la terre est très fertile et les gens y vivent dans la prospérité. Mais depuis que l’hostilité s’est avivée à l’égard de Shilla, cette région devient difficile à gouverner. Le paysans sont si occupés à se battre qu’ils négligent les travaux des champs et leur existence en est mise en péril. Nous vous supplions donc humblement d’envoyer une mission qui pacifiera cette partie de notre pays.

Le souverain consulta ses ministres à ce sujet et finalement, il déclara :
« Shihonori, petit-fils de Kunifuku, sera la personne appropriée pour cette mission. » Connu comme le “Seigneur du Pin” en raison des trois bosses sur sa tête, Shihonori était un guerrier féroce et puissant. Mesurant une longueur et cinq paumes, il avait la force de quatre-vingts hommes.

Le souverain publia alors son décret : « Nous allons dépêcher Shihonori à Mimana et il sera nommé comme Général pour Pacifier les Pays Étrangers. » Shihonori accomplit sa mission, il pacifia Mimana et il revint triomphant à la cour.

Pour commémorer son “heureux retour”, le souverain conféra à Shihonori le nom de famille “Yoshi” (signifiant heureux, bon ou de bon augure).

(Extrait du 34ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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