Hotsuma-Tsutae Le Livre de l'Homme (Chapitre 29) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Conquête du Yamato par Takehito
- Expédition orientale de Jimmu -

Takehito, connu aussi comme Kanyamato Ihawarehiko, était le quatrième enfant du souverain Ugayafuki Awasezu. Sa mère était la princesse Tamayori et son frère aîné, le Prince Yiitsuse, était Seigneur de Taga. Ugaya, le père de Takehito, avait passé dix années à Tsukushi (Kyushu) où il s’était consacré à développer l’agriculture. Il avait stabilisé l’administration locale et introduit l’ordre public dans la province. Le peuple de Tsukushi vivait en paix et dans la prospérité. Lorsqu’Ugaya se rendit compte que son existence touchait à sa fin, il transmit les signes de l’autorité de souverain à Takehito avant de pénétrer dans une caverne à Miyazaki où il s’éteignit. Par la suite, il fut appelé la divinité Ahira.

Takehito assuma alors l’administration de Tsukushi, aidé par de puissants ministres tels qu’Ame-no-Taneko, le petit-fils d’Ame-no-Koyane. Ensemble, ils æuvrèrent à préserver la stabilité du pays, ce qui permis aux habitants de Tsukushi de vivre dans la paix et la prospérité pendant de nombreuses années.

Mais cette tranquillité allait bientôt être brisée par les sombres nuages d’amères querelles que personne ne pourrait plus empêcher. En effet, un certain Nagasune, se targuant d’être le Ministre de Kaguyama au service de Nigihayahi (neveu de Ninikine, le 10ème souverain) à Yamato, manigança un complot qui allait engloutir tout le pays dans une insurrection.

Nagasune avait donné sa jeune sæur Mikashiya en mariage à Nigihayahi, mais elle ne parvenait pas à lui donner un héritier. Aussi Nagasune vola-t-il le “Yotsugi Fumi” (Livre de la Succession), un document sacré conservé par Ame-no-Oshikumo (le père d’Ame-no-Taneko) au Sanctuaire Kasuga et, en secret, il en fit une copie. Cette action fut dévoilée quand elle fut signalée par Kuramori, le gardien des archives. Le Ohomononushi (Kushimikatama) qui gérait les affaires du gouvernement à Taga envoya à plusieurs reprises des messagers chez Nigihayahi pour tenter de connaître la vérité au sujet de cette affaire, mais il ne reçut aucune réponse satisfaisante. « J’ignore tout des actions de ce Kuramori » se contentait de dire Nigihayahi.

Un jour que le souverain était parti à Tsukushi et que s’était ainsi produite une vacance du pouvoir dans le Pays Central des Plaines de Roseaux, Nagasune vit que le moment était venu de s’emparer du pouvoir. Son abus éhonté de sa position d’autorité fut remarqué, car des gens ordinaires qui ressentaient le poids de ses excès commencèrent à soumettre une série de réclamatians. Ayant recours à la contrainte et à la tromperie, il se plaça dans une position où il ne craignait plus personne, mais était redouté par tous.

Vers cette époque, une manifestation habituelle était la présentation d’un tribut sous forme de balles de riz de la nouvelle récolte par le Seigneur de Harami (gouverneur des régions actuelles de Kanto et Tokai) à la cour Yamato de son demi-frère Nigihayahi. Mais en signe de désapprobation devant le comportement de Nagasune, ce tribut fut arrêté. Nagasune bloqua tous les ports et empêcha le transport de provisions par bateaux. Il imposa en particulier un blocus de l’intersection à Yamasaki no Seki, le plus important croisement fluvial du Pays Central.

Le Ohomononushi, Ministre de la Droite, rassembla immédiatement une armée avec Oshikumo et il se prépara à aller attaquer Nagasune. Le Ministre de la Droite agit comme protecteur du Seigneur de Taga (le Prince Yitsuse) et comme administrateur du Pays Central des Plaines de Roseaux et des régions actuelles de San-in et Hokuriku. Il commandait aussi aux armées Mononobe de tout le pays.

Le Seigneur de Taga qui, jusqu’alors, avait pu exercer librement son pouvoir grâce à l’appui de puissants ministres fut considérablement alarmé par l’évolution des événements et l’action rapide du Ohomononushi. Il fut inquiet au point d’aller se réfugier chez son jeune frère Takehito à Tsukushi.

Vers cette époque, Takehito, Seigneur de Tsukushi, prit comme épouse la Princesse Ahiratsu, fille du gouverneur d’Ata. Elle lui donna un fils qu’il appela Prince Tagishi. Quand Takehito eut 45 ans, le dicton populaire suivant se répandit dans tout le pays :
Nori kudase Hotsuma-ji
Hiromu ama-no-iwafune

(“Répands la loi vers l’Est, dans le grand bateau rocheux du ciel. )
Le vénérable et noble Shihotsuchi connaissait ce dicton et il pria Takehito de lancer une expédition vers l’est. « Le Pays Central est en pleine confusion par suite du comportement capricieux de Nigihayahi et de son ministre Nagasune, dit-il. Ceci met en péril la stabilité de tout notre pays. Takehito, vous devez aller les réprimander et reprendre contrôle sur le royaume. »

Encouragés par ces paroles, les princes et les nobles déclarèrent d’une même voix : « Vous devez y aller en personne et sans tarder ! Vous seul pouvez sauver le pays ! » Leurs fervents vivats d’exhortation retentirent jusqu’aux cieux.

Le troisième jour du dixième mois, Takehito en personne conduisit une flotte de bateaux et s’embarqua pour son expédition orientale. Répartis sur les embarcations commandées par les soldats mononobe, tous les nobles et ministres étaient animés du même esprit. Ils confièrent leur vie à Takehito au cours de ce voyage d’où beaucoup ne reviendraient pas.

Les bateaux atteignirent d’abord Hayasuido (détroit de Bungo) où une petite barque de pêche s’approcha d’eux et son occupant les salua d’une voix forte. Ahiwake l’appela et lui enjoignit de décliner son nom. Il répondit qu’il était Utsuhiko, le seigneur du lieu. « Je pêchais à Wadanoura quand j’ai entendu que vos bateaux arrivaient, dit-il. C’est pourquoi je suis venu à votre rencontre. Permettez-moi de me joindre à votre expédition » ajouta-t-il.

« Seras-tu notre guide ? » demandèrent-ils. « Oui ! »répondit-il. Takehito ordonna qu’une perche faite en “shii” (une variété de chêne) lui soit tendue pour l’aider à monter sur le bateau de tête. Sur ce, Takehito lui conféra le nouveau nom de Shiinetsuhiko.

Guidés désormais par Shiinetsuhiko et poussés par un vent fort, les bateaux arrivèrent bientôt à Usa, où Usatsuhiko, le seigneur local, salua toute la compagnie par un superbe banquet servi dans le palais temporaire de Hitoagari. Au cours du banquet, Takehito était servi par Usako, la fille de Usatsuhiko. Assis à proximité, Ame-no-Taneko fut vivement attiré par les charmes de la jeune fille et il voulut la prendre pour femme. Ayant obtenu le consentement de son père, il fut nommé envoyé du Souverain à Tsukushi.

A la fin de leur séjour, ils reprirent place sur leurs bateaux et arrivèrent d’abord au Palais Chinomiya dans le Pays d’Aki, où ils restèrent jusqu’à la nouvelle année. Au quatrième mois, ils poursuivirent jusqu’au Pays de Kibi, où ils administrèrent le Pays Central à partir du Palais de Takashima.

Depuis l’insurrection de Nagasune, quand le Seigneur de Taga (le Prince Yitsuse) s’était enfui à Tsukushi, Kushimikatama (le Ohomononushi) était resté seul à la tête de l’administration à Taga. Entre-temps, il continua d’aider Takehito par ses contacts réguliers. Takehito demeura trois ans à Takashima où il amassa des provisions et des armes et où il entraîna ses hommes en vue d’une campagne prolongée.

Au second mois de la 55ème année, ils partirent enfin et arrivèrent au Cap Mitsu. A cet endroit, le courant devint tout à coup rapide. Frappé par la vitesse de la houle, Takehito appela ce lieu d’accostage du nom de “Namihaya” (“Vague-Rapide”), ce qui a donné “Naniwa“, actuellement le nom ordinaire d’Osaka.

Après leur arrivée à Namihaya, ils remontèrent la rivière Yamato jusqu’à ce qu’ils atteignent Kusaka à Kawachi. Là, il demeurèrent au palais d’Auyemoro, le gouverneur local. Comme prévu au préalable avec Kushimikatama, les deux armées unirent leurs forces. Sous la direction d’Auyemoro, l’armée combinée se dirigea par le Col de Tatsuta dans l’idée de pénétrer dans le pays de Yamato. Mais le Col était si étroit qu’ils ne purent s’y engager. C’est pourquoi ils rebroussèrent chemin et firent un nouvel essai par le Mont Ikoma, parvenant cette fois à pénétrer par l’est dans la Plaine de Yamato.

L’armée de Nagasune leur fit face, animée d’un esprit de résistance acharnée. « Etes-vous venus nous voler notre royaume ? » leur cria-t-il, en les provoquant au combat. Tandis qu’ils se battaient à la Colline de Kusaye, une flèche perdue frappa le coude du Prince Yitsuse et l’hôte du souverain fut contraint à l’arrêt. Takehito comprit qu’il devait changer sa stratégie et il donna ordre à ses hommes de se retirer.

« Nous sommes les descendants du Dieu-Soleil, déclara-t-il. En tirant nos flèches vers le soleil, nous avons commis une erreur envers les Cieux. Replions-nous et prions nos divinités, puis relevons à nouveau le défi en nous plaçant dans l’ombre du soleil. Si nous le faisons, nous vaincrons certainement nos adversaires ! » Tous les nobles approuvèrent et l’armée se retira jusqu’à Yao, sans être poursuivie par l’ennemi.

A Yao, ils embarquèrent à nouveau sur leurs bateaux et firent voile autour de la péninsule de Kii, puis vers la Baie de Kumano à l’est. Mais en arrivant au port de Chinu-no-Yamaki, le Prince Yitsuse mourut de sa blessure au coude et il fut inhumé au Mont Kama dans le Pays de Kii.

Nagusatobe, un chef local du village voisin Nagusa, tenta de leur barrer la route, mais il fut vaincu. Tandis qu’ils progressaient vers l’est, ils s’arrêtèrent pour présenter des offrandes aux divinités de Kumano, Hayatama et Kotosaka à qui ils demandèrent de les aider dans la bataille future. Mais après avoir contourné la Baie d’Iwadate avec leurs bateaux pour attaquer l’ennemi par l’arrière, ils furent pris tout à coup dans une violente tempête qui les emporta vers le large. Leurs bateaux furent éparpillés et ballottés comme des feuilles d’arbre sans qu’aucune crique où se mettre à l’abri ne soit en vue. Toute la flotte était sur une point d’être engloutie dans l’obscurité des eaux salées. A ce moment, le Prince Inayi qui, jusqu’alors, avait supporté les épreuves de la campagne dans un esprit de solide loyauté envers son frère Takehito s’écrit tout à coup : « Vous, les divinités célestes, et toi, divinité maternelle de la mer, pourquoi ne venez-vous pas à notre secours ? Nous avons enduré les tourments sur la terre et les calamités sur la mer. C’en est fini de nous ! » Sur ce, il dégaina son épée et plongea dans la mer. Plus tard, il fut révéré comme la divinité Sabimochi. Entre-temps, le Prince Mikeiri fut refoulé par les vagues rugissantes et il périt, emporté par les flots.

Sans se laisser décourager par ces événements redoutables, Takehito et son fils, le Prince Tagishi, renouvelèrent leur volonté de vaincre Nagasune, l’usurpateur. Ayant survécu à ces rudes épreuves, ils réorganisèrent leurs troupes et se mirent en marche vers Arasakatsu, leur base stratégique suivante. Là, un groupe de bandits appelé Nishikido s’était dissimulé au fond d’une baie et, faisant appel à la magie de l’isora pour cracher des fumées empoisonnées, ils mettaient à sac les bateaux et terrorisaient les pêcheurs locaux.

La flotte du souverain pénétra dans la baie entourée de toutes part de rochers escarpés et les matelots débarquèrent pour inspecter la région. Tout à coup, les brigands de Nishikido apparuent comme de nulle part, crachant le feu. Comme la vapeur empoisonnée enveloppa l’armée du souverain, les soldats perdirent connaissance et tombèrent dans un profond sommeil.

A ce moment, un homme appelé Takakurashita vivait dans cette région. Dans un songe, il vit le Grand Amateru donnant l’ordre à Takemikazuchi d’aller mâter les troubles dans le Pays Central des Plaines de Roseaux. A ceci Takemikazuchi répondit : « Même si je n’y vais pas, j’enverrai l’épée avec laquelle mes ancêtres ont pacifié le pays. » Amateru répondit que c’était la bonne solution et Takemikazuchi déclara : « J’ai placé l’épée Futsunomitama dans votre entrepôt. Offrez-la à votre Seigneur. » Juste au moment où Takemikazuchi répondait « Oui ! », il se réveilla.

Etonné par ce songe étrange, Takakurashita se rendit directement à l’entrepôt et l’ouvrit, sans savoir à quoi il devait s’attendre. Et c’est là qu’il découvrit une épée enfoncée dans les lattes du plancher. Avec empressement, il s’en alla chez Takehito à qui il offrit l’arme. Le souverain et les nobles de sa suite se réveillèrent aussitôt de leur long sommeil provoqué par la magie de l’isora dont l’effet s’était dissipé. Leur détermination à se battre refit surface et, ayant sur-le-champ massacré les bandits, ils se remirent en route pour d’autres combats.

A mesure qu’ils s’avançaient le long de dangereux sentiers de montagne vers Asuka, ils arrivèrent fréquemment à des bifurcations. C’est ainsi que l’armée passa plusieurs jours à tourner en rond, revenant toujours au même endroit. Une nuit, tandis que le souverain était endormi contre un rocher sous un ciel étoilé, le Grand Amateru lui apparut dans un rêve. « Fais appel à Yata-no-Karasu comme guide », lui dit-il.

Quand Takehito se réveilla, un vieil homme du nom de Yata-no-Karasu se tenait devant lui. Il déblaya des sentiers pour ouvrir des routes et il dirigea ainsi la troupe jusqu’à Asuka. Dirigeant l’avant-garde de l’armée selon les instructions de Yata-no-Karasu, le commandant Michiomi les fit franchir une série de pics avant d’arriver finalement au village d’Ugachi à Uda.

Là, ils convoquèrent immédiatement le gouverneur d’Uda qui s’appelait Ukeshi, mais il ne se présenta pas. Son frère cadet, Ukeshi le Jeune, vint à sa place et dit : « Mon frère complote contre vous. Il envisage de vous inviter à un banquet et il a préparé un piège cruel par lequel il a l’intention de vous tuer. Je suis venu vous avertir de sa traîtrise. » Apprenant cela, Michiomi partit à la recherche du frère aîné qu’il trouva dans sa cachette. Mais Ukeshi se moqua de lui et, d’une voix forte, il proféra des injures : « Vous allez tous être battus au combat et vous allez crever. » Puis, il tenta de s’enfuir.

Armés d’épées et de flèches, Michiomi et ses hommes le poursuivirent et ils le forcèrent dans la maison qu’il avait construite pour les prendre au piège. Incapable de s’échapper, il tomba dans son propre traquenard effroyable et connut une fin lamentable.

Ukeshi le Jeune prépara un festin somptueux pour accueillir Takehito, les nobles et tous leurs soldats. Apprenant qu’Ukeshi avait fait allégeance au souverain, un autre gouverneur local, Yihikaru de la Crête de Yoshino, ainsi que d’autres seigneurs locaux d’Iwawake, vinrent lui promettre leur soutien.

Mais sur les flancs du Mont Takakura, Shigi l’Aîné avait fait camper son armée autour d’Ihaware, bloquant ainsi l’avance des troupes de Takehito. Une nuit, après sa prière aux divinités, ce dernier eut un autre songe au cours duquel il reçut le message suivant : « Va prendre de l’argile du Mont Kagu pour en fabriquer des plats; pose des offrandes sur ceux-ci et offre-les aux divinités du ciel et de la terre. »

Entre-temps, Ukeshi le Cadet arriva avec précipitation et, tout essoufflé, il fit le rapport suivant : « J’ai dépêché furtivement des hommes en éclaireurs pour recueillir des informations. Ils m’ont signalé que non seulement Shigi l’Aîné, mais aussi Kadaki, Akashi et d’autres sont déterminés à faire obstacle à votre progression. Pour les vaincre, nous devons rassembler de l’argile du Mont Kagu, en faire des récipients et les utiliser pour présenter des offrandes aux dieux. Après seulement, nous pourrons écraser nos adversaires. »

Ces conseils correspondaient au rêve du souverain. Aussi Takehito donna-t-il les instructions suivantes : « Shiinetsuhiko, habille-toi d’un vêtement de paille et coiffe- toi d’un chapeau de laîche comme un vieux paysan. Toi, Ukeshi le Cadet, emporte un panier de vanneur et habille-toi comme une paysanne âgée. Accoutrés de ce déguisement, allez tous deux au sommet du Mont Kagu et ramenez de l’argile de cet endroit. Si quelqu’un devait vous demander des explications, dites que c’est en vue d’une ancienne divination. Avant tout, soyez circonspects. Je vous souhaite le succès.»

Les deux se mirent donc en marche vers le Mont Kagu, mais les routes étaient bloquées par l’ennemi qui guettaient l’étrange couple. Déterminé à surmonter cette adversité, Shiinetsuhiko offrit cette prière aux divinités : «Si notre seigneur doit administrer ce pays, alors la route s’ouvrira certainement pour nous ! » Ils progressèrent ainsi, animés de l’esprit de cette prière. S’esclaffant devant le spectacle pathétique de ce couple de vieux paysans, les soldats ennemis les laissèrent poursuivre leur route sans les rudoyer.

C’est ainsi que la paire parvint à recueillir de l’argile au sommet du Mont Kagu et à la ramener chez Takehito qui s’en réjouit profondément. Avec celle-ci, il fabriqua des jarres, utilisées pour présenter des offrandes aux divinités.

Près de la Rivière Nibu à Uda, il déplaça le sanctuaire Asahihara et y vénéra Amateru et Toyoke. Michiomi fut nommé comme Adorateur en chef. Entre-temps, Atane, descendant de Kanmimusubi, vénéra pendant trois jours l’Auguste Divinité Parente (Ugayafuki Awasezu) au Mont Wakeikazuchi. Ensuite, il se mit en route pour châtier l’adversaire.

Takehito établit son camp au sommet de Kunimigaoka (“Colline à Vue sur le Pays”), le plus haut point de la région d’Uda d’où il pouvait épier les mouvements de l’ennemi. Embrassant du regard tout la région d’alentour, il composant ce chant :
Kankaze no Ise no umi naru
Inishie no yahe hahi-motomu
Shitatami no ako yo yo ako yo
Shitatami no ihahi motomeri
Uchiteshi yaman

“Autrefois, dans la mer d’Ise où souffle le vent divin, quelqu’un rampait comme le shitatami*. Hommes, allons écraser celui qui rampe comme le shitatami !”

(* Jeu de mots sur le terme shitatami, signifiant à la fois “roturier” et une sorte de mollusque. Dans le chant, Nigihayahi est comparé à Sosanowo, le frère errant d’Amateru.)
Quand tous les soldats eurent interprété ce chant ensemble, l’ennemi en fit rapport à Nigihayahi qui réfléchit quelques instants, puis déclara : « Ne me comparez pas à Sasurawo ! Cette armée est animée d’une autorité céleste. Je n’ai rien d’autre à dire ! » Là dessus, il retira ses hommes et tout le camp du souverain se laissa aller à des réjouissances.

Le septième jour du onzième mois, Takehito dépêcha un messager pour faire venir Shigi l’Aîné qui campait encore au pied du Mont Takakura et bloquait le passage de l’armée. Shigi fit d’abord semblant d’obtempérer, mais ensuite il refusa obstinément de partir. Puis, Yata-no-Karasu fut envoyé pour le persuader en disant : « Votre Seigneur et Souverain vous convoque. Hâtez-vous ! »

Mais ceci eut pour effet d’irriter Shigi qui répliqua : « Quel est donc ce seigneur sans pitié ? Tout ceci est risible et écæurant ! Et toi, Karasu, es-tu mon ennemi ? » Puis, il mit en joue le messager avec son arc et se prépara à décocher sa flèche.

Yata se hâta de se rendre à la maison de Shigi le Cadet, lui répétant le même message. Celui-ci en fut vraiment effrayé et il modifia immédiatement son attitude. « Je suis reconnaissant de la miséricorde du souverain et je me confie à toi » dit-il. Ayant préparé un festin, il alla prêter allégeance à Takehito.

« Mon frère aîné s’oppose à vous », signala-t-il. Le souverain consulta alors ses nobles qui lui répondirent : « Envoyez le Cadet pour le persuader et s’il continue de résister, nous l’attaquerons. »

Shigi le Cadet fut ainsi dépêché depuis Takakura comme messager afin de persuader son frère aîné. Mais celui-ci refusa encore de se conformer aux ordres et il ne voulut même pas recevoir la délégation.

L’unique option restante fut de se lancer sur le champ de bataille. Michiomi attaqua les ennemis à Oshisaka, tandis qu’Utsuhiko (Shiinetsuhiko) fonça sur eux à Onnazaka, en prenant Shigi l’Aîné dans un nouvement de tenailles, alors qu’il tentait de fuir vers Kurosaka.

Shigi l’Aîné qui, avec Kadaki, Akashi et d’autres représentait la dernière ligne de défense de Nagasune, combattit avec courage. Une violente bataille se poursuivit longtemps sans qu’un des deux camps ne puisse l’emporter.

Soudain, tout changea. Le ciel se couvrit de nuages noirs et une pluie glacée se mit à tomber. Puis, volant on ne sait d’où, un cormoran doré descendit et atterrit sur le bout de l’arc du souverain. La lumière éclatante de l’oiseau éclairait les environs au point que tous, amis et ennemis, furent profondément étonnés.

Nagasune cessa le combat et déclara à voix haute au prince souverain : « Il y a longtemps, un descendant de la Grande Divinité Amateru est descendu du Pays de Hitakami dans un bateau céleste et il s’est établi ici à Asuka. Il est devenu le souverain Nigihayahi et la gloire de son règne brille maintenant sur le pays. Il a pris comme femme ma sæur cadette Mikashiya et l’enfant qu’elle a porté a été appelé Umashimachi. Nigihayahi est le véritable souvenain de ce pays et le seul que je servirai. Il s’est vu conférer les Dix Trésors Divins par le Grand Amateru et ils sont les gages de sa véritable divinité. Maintenant, tu viens sous les dehors du Petit-Fils Céleste et tu envisages de lui ravir son royaume. Quelles sont tes intentions ? »

A ceci, Takehito répondit avec dignité : « Si votre seigneur est le véritable souverain, montrez-moi un signe de sa divinité. » Nagasume prit alors une flèche hahaya, symbole de l’autorité divine, hors du carquois de Nigihayahi et il la montra à Takehito. A son tour, le souverain retira une flèche de son propre carquois et il la fit montrer à Nagasune par ses hommes. Elle portait clairement un signe qui y avait été placé par Amateru en personne.

Comme ni l’un ni l’autre ne voulait céder, leurs armées se placèrent en position défensive. Toutefois, Nigihayahi finit par se laisser fléchir et progressivement, il en vint à reconnaître Takehito comme détenteur du caractère divin de leurs ancêtres.

« Depuis sa naissance, mon loyal ministre Nagasune a un caractère têtu, expliqua-t-il. Il est incapable de faire la distinction entre une cause noble et une abjecte. Hélas, pour moi, il est devenu un fléau d’infortune. » Il cacha ses larmes d’amertume et tua Nagasune, puis il emmena ses hommes pour se soumettre au prince souverain. Takehito reconnut le noble caractère et la fidélité de Nigihayahi et il l’accueillit avec opulence au palais temporaire de Ihaware.

Une autre année commença, mais les tsuchigumo (bandes locales de rebelles) rôdaient encore dans le pays, résistant à l’autorité de Takehito. Toutefois, il finit par les vaincre un par un, élargissant progressivement la portée de son administration. Il fut particulièrement difficile de briser la résistance d’un groupe, appelé Ashinaga-Gumo (littéralement “araignées aux longues pattes”). Ils lançaient des pierres et des branches vers les attaquants. Takaoharibe, qui avait été envoyé pour les combattre, était de petite taille et il ne parvenait pas à les subjuguer. C’est pourquoi Takehito donna ordre à Kushimikatama, qui défendait seul le Palais de Taga, d’imaginer un bon stratagème pour les anéantir.

Le Ohomononushi étudia la situation et il imagina une solution. Il fit tisser un immense filet en rhizomes d’arrowroot que ses hommes lancèrent au-dessus des ennemis, les capturant tous d’un coup et mettant fin à leur résistance.

Toutes batailles avaient ainsi pris fin et les combats étaient terminés. Takehito fit venir Ame-no-Taneko de Tsukushi et Kushimikatama de Taga et il leur transmit le décret suivant : « Nous souhaitons déplacer notre capitale. Allez explorer le pays pour trouver le meilleur emplacement. »

Conformément au décret, les deux parcoururent le pays et, à leur retour, ils informèrent les dirigeants que Kashihara serait l’endroit idéal. Takehito en convint et il donna ordre à Ametomi de surveiller la construction du nouveau palais de Kashihara. Ensuite, le souverain, désireux de trouver une nouvelle compagne, demanda aux nobles quelle pourrait être la candidate la mieux appropriée. A quoi Usatsuhiko répondit : « Tatara-Isosuzu, la fille de Kotoshironushi et de sa compagne Tamakushi, est la plus jolie personne de tout le pays. Elle réside au Palais Awa et c’est là aussi un présage favorable. »

Le souverain fut enchanté de ces conseils et il prit volontiers la jeune Isosuzu comme nouvelle épouse. Son père, le Kotoshironushi actuellement décédé, fut glorifié comme la Divinit Emisu (Ebisu), alors qu’Atatsu-Kushine, son petit-fils, devint le gouverneur de Takaichi et reçut l’ordre de bâtir un sanctuaire. Le vingtième jour du dixième mois, ils organisèrent un grand festival en l’honneur de toutes les divinités de Miwa.

Afin de marquer son accession à la dignité de souverain, Takehito changea son patronyme en Kanyamato Ihawarehiko (littéralement “Prince Divin de Ihaware à Yamato”). Ce nom faisait allusion au lieu de sa victoire finale et le préfixe “Kan” fut ajouté en référence aux divinités, les “kami”. Ce nouveau nom et l’autorité de son administration furent promulgués dans tout le pays.

Pendant l’année Sanato, Kanayamato Ihawarehiko accéda officiellement à la dignité de souverain. Et c’est ainsi que commença le règne du dirigeant appelé familièrement Kantake (“Bravoure Divine”, provenant de Kami-Takehito) qui, bien des siècles plus tard, changerait de nom pour devenir Jimmu, le “Premier empereur humain“ du Japon.

(Extrait du 30ème et 31ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -
Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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